CHRONIQUES ORDINAIRES D'UN COMMERCIAL EN CAMPAGNE
Jeudi 16 Décembre
Hier, journée harassante, 4 clients sans le temps de penser et de réfléchir.
Ce matin j’en profite, ce moment entre le calme apparent du réveil et l’agitation du début de journée, cette sérénité propice à la réflexion. Je me remémore mes rendez vous et récapitule ce que je dois faire.
Un des rendez-vous sort du lot, son déroulement est suffisamment significatif pour capitaliser son enseignement.
Une nouvelle approche avec un acheteur connu, exigeant, toujours dans une relation en sens unique et une communication biaisée par ses enjeux. N’essaye-t-il pas toujours d’installer un climat déstabilisant afin obtenir toujours plus. Ma décision est prise, plus reculer, résister et tester ses capacités de résistance (et les miennes par la même occasion).
Comme toujours, l’entretien dans un box dépersonnalisé, une humeur de bouledogue, une agressivité de bonne aloi et un sourire en coin, histoire de rajouter une dernière touche de théâtral.
«Monsieur DURAND, vous comprendrez que sur cette affaire, je ne peux accepter que du direct usine avec des conditions de prix importantes ! »
«Bien sûr, Monsieur Achille, mais qu'attendez vous des ‘conditions de prix importantes’ ?»
«Monsieur DURAND, ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, je souhaite un prix meilleur que la dernière fois car je vous commande quand même 3 camions pleins. Votre concurrent a bien failli vous prendre le marché la dernière fois et comme les quantités sont encore plus importantes… ! »
« Je comprend… Le prix est stratégique pour vous sur cette affaire ? Avant de dévoiler ma proposition, je souhaiterai vous poser une question ? Quel regard portez vous sur notre collaboration ? Quelle valeur avons-nous à vos yeux ! »
«Mais j’aime bien travailler avec vous, je ne l'oublie jamais et ne l’oubliez pas vous même. Vous m’apporter le service nécessaire....»
Après quelques instants d'hésitation...
«Et je peux compter sur vous quand je suis en rupture, votre stock me dépanne et je suis approvisionné rapidement.»
« Monsieur Achille, je ne vous l’apprend pas, ce stock me coute cher et je ne suis pas là pour perdre de l'argent. Ce service disparaîtra dans le cas contraire. Mais au fait ! Pourquoi tombez-vous régulièrement en rupture de stocks ? »
Après des tergiversations et de multiples hésitations, surmontant ses réticences, le voici me décrivant leurs méthodes de travail, un travail en plusieurs équipes, chacune d’entre elles recevant une allocation matière minimum en début de chantier. Chaque équipe étant indépendante, n’avançant pas au même rythme.Les approximations et les chutes matières obligent certaines équipes tombant en rupture, de piocher dans les allocations de l’équipe d’à coté. Le résultat est un arrêt des travaux et donc des équipes qui n'ont pas terminées, de rester sur leurs chaises, le temps d'approvisionner !
« Monsieur Achille, combien vous coûte une équipe à l’arrêt ? »
Le chiffre qu’il refuse de me donner est bien évidement élevé.
« Si par un moyen que nous pourrions trouver ensemble, je couvre par anticipation votre rupture de stock afin d’éviter l’arrêt du travail de vos équipes, seriez vous intéresser ? »
« Cette question porte sa réponse en elle-même, Monsieur Durand »
« Écoutez, je vous propose de mettre en place ce système et d’ajuster mes prix en partageant à 50/50 le gain financier que je vous apporte. Qu’en pensez-vous ? »
Un grand silence accompagne ma fin de phrase. Il est sur la défensive et ne trouve pas ses mots. Je crois que j’ai marqué un point.
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