Cycle « Connaissance du métier Commercial pour les non initiés.»
Lors des mes rencontres avec les acteurs de la vente, vendeurs et managers, je suis souvent frappé par leur capacité à développer une activité débordante et fébrile. Jamais le temps, toujours pressé entre une proposition à faire et un coup de téléphone de relance, des allers retours dans le couloir avec un téléphone visé sur les oreilles, une intrusion impromptue dans le bureau de l’administratif pour interrompre tout au profit bien évidement d’une information qui n’est importante que pour eux même… N’est ce pas le quotidien du commercial… ? Sans vouloir désigner de façon générale une fonction et des individus, il est une évidence que cette attitude est souvent l’apanage de la profession. Toute personne côtoyant un commercial pourra en témoigner.
Certains diront que cette activité n’est souvent pour les observateurs extérieurs avertis, devant ce débordement d’énergie, qu’une expression d’un activisme qui ne rassure que les intéressés eux même.
La question que l’on peut se poser est simple : toute cette énergie développée crée t elle réellement une valeur ajoutée ?
L’énergie et le client
L’énergie et le dynamisme font partie intégrante de la profession commerciale et la sert largement. Cela se traduit par une activité importante, souvent publique et expressive.
Pourtant, derrière ce principe, se cache souvent une tendance à accentuer les traits et les travers.
La profession commerciale est une profession relationnelle, ce n’est pas une nouveauté.
Sa mission est de servir d’interface entre l’entreprise et le client ou le futur client. Cela non plus n’est pas une innovation.
Cette posture même pose immédiatement la disponibilité immédiate du commercial au service de son client comme un postulat de base du métier. Cette disponibilité est une réalité. La profession dans sa globalité, fait de cet impératif, une composante maîtrisée du métier.
Ce fait implique. Le commercial ne peut maîtriser ni le moment, ni le temps ni la complexité de l’intrusion de son client dans son emploi du temps et dans son organisation.
Son pouvoir se limite à la négociation qu’il va avoir avec son interlocuteur pour maîtriser le délai avec lequel il va satisfaire son client. Certains diront qu’encore faut il qu’il le fasse !
Le commercial se situe entre le marteau et l’enclume. Il doit défendre son entreprise en face de son client et plaider la cause de celui-ci en face de son organisation.
La limite est difficile à définir et fait du métier de vendeur un exercice particulier. Cet équilibre lui donne la légitimité pour agir. A ses yeux, cela l’exempte souvent de justifications car il agit pour son client et donc, par extension souvent inconsciente, pour le bien de son entreprise.
De plus, seul acteur réellement en contact avec le client, il est, à ses yeux, aussi le seul à le comprendre et en décoder les attentes. C’est sa certitude et elle justifie souvent son comportement.
Comment les autres collaborateurs de l’entreprise regardent cet extra terrestre ?
Parmi les premières choses exprimées, le rejet, la distance et une pointe de mépris, quelquefois un certain paternalisme (il m’est souvent arrivé de rencontrer ce que j’ose appeler du « maternalisme » !), arrivent souvent en premier.
Cet état d’esprit a une réalité, basée sur la perception d’un envahissement, d’une prépondérance souvent accentués par la bienveillance désarmée du management et de la direction.
L’énergie et l’incertitude
L’un des fondements du métier commercial est l’incertitude, l’incertitude de la compréhension de son client, de l’offre concurrente, de son prix, …
Toutes les techniques inventées n’ont qu’un objectif, limiter cette incertitude et augmenter les probabilités de succès. Une partie de l’énergie du commercial est utilisée dans la maîtrise du processus de vente.
Le lien entre rencontre d’un prospect ou d’un client avec la vente est une évidence, sans rencontre, pas de vente.
Chaque rencontre est donc porteuse d’espoir, l’espoir de trouver une vente potentielle, l’espoir de vendre.
Pour compenser l’incertitude, quoi de mieux que de multiplier les rencontres !
Cette relation, intuitivement connue sinon intégrée par chaque acteur, prend le pas sur toutes les autres. Elle est la seule productive à ses yeux mais surtout un moteur d’action permanent.
La qualité de la rencontre entre peu dans le raisonnement inconscient, l’essentiel se trouvant dans la rencontre en elle-même.
Alors la limite entre un acte raisonné, basé sur une justification opérationnelle et l’action réparatrice est difficilement détectable. C’est la différence entre une activité structurée et un activisme « thérapeutique ».
L’échec fait partie du quotidien du vendeur, la vente étant un théâtre aux acteurs multiples. Les concurrents réclament leurs parts du gâteau, privant régulièrement celui-ci du succès, générateur d’énergie et de motivation.
Le commercial évolue alors d’une énergie débordante à une apathie désarmante, cyclothymie parfois difficile à comprendre et à vivre pour l’entourage à la fois professionnel et personnel.
La rédemption est alors dans l’activisme, générateur d’espoir, refondateur d’une énergie perdue. Le commercial tel Don Quichotte, repart au combat. Cela lui redonne une motivation un temps, oubliée.
Y a-t-il à ce moment là, une réflexion stratégique ou tactique ? Le débat ne se situe plus à ce niveau. L’important est de se rassurer, dans l’espoir à retrouver.
L’énergie et le relationnel
Par essence, être commercial prédestine à une sensibilité importante au relationnel.
Depuis des millénaires, le commerce a toujours mis en scène un vendeur avec un acheteur sur un même lieu dans une « confrontation ».
Il est vrai que l’évolution actuelle, grâce à la technologie, modifie ces standards, laissant toutefois pour le moment, particulièrement en BtoB, la majorité des transactions commerciales s’effectuer sur un mode classique. Le besoin concret de voir, mesurer, évaluer, « toucher » limitera cette évolution car l’acheteur, particulièrement professionnel, recherche la valeur ajoutée de la relation directe.
Cette culture relationnelle forte est une dominante qui dans la population commerciale, impose ses modèles et peut limiter les autres facteurs pour exemple, l’écrit. N’est-il pas courant de rencontrer des managers commerciaux en souffrance de reporting car l’exercice est lui-même une « souffrance » pour leurs équipes.
Besoin de contacts, de discussions, de confrontation orale… au point d’en devenir une activité à part entière. Nul n’est besoin d’être des métiers de la vente pour développer ce comportement mais le métier le renforce.
Qu’en est il de la notion du temps alors sinon subjective, étalonnée au travers de ces rencontres ? Le temps devient élastique, adaptable et à la merci des interruptions que nous évoquions plus haut. Sa mesure est sujette à interprétation et là où les observateurs pourront définir celle-ci avec précision, l’acteur aura une perception extensible.
De plus, en étalonnant l’énergie qu’il aura dépensée dans ces relations, il aura le sentiment d’avoir rempli sa journée d’une activité productive, perception là aussi sujette à caution dès que l’on interroge l’entourage.
Le commercial et l’activité à valeur ajoutée
L’incertitude, la posture et le relationnel incite à une perception empirique et émotionnelle de la situation ou du contexte.
Il est facile de comprendre, à la lumière de ces différents éclairages, que l’exercice du management commercial devient alors complexe.
Centrer et concentrer cette énergie vers des actions à valeur ajoutée devient souvent un acte de négociation plus qu’une action de management.
Loin de nous, la tentation de la généralisation. Nos propos s’appuient sur certaines situations vécues où deux perceptions s’affrontent, celle du commercial, s’appuyant sur les certitudes que lui confit son intuition et celles du manager, conscient des enjeux, appuyé en cela sur des données, ramenant le débat sur des éléments rationnels.
L’erreur fondamentale serait la remise en cause de la perception du commercial qui mettrait en cause le professionnel qu’il est.
Par contre, l’expression rationnelle de cette perception permet un recentrage efficace sur des bases concrètes.
Reste au manager de favoriser et d’encourager la capacité du commercial à se recentrer sur des éléments objectifs, rationnels et factuels.
La prise en compte par le management de l’incertitude, commune à tous les niveaux hiérarchiques mais fortement impliquante au niveau opérationnel, reste une base fondamentale du management commercial.
Aider l’équipe à minimiser l’incertitude, s’impliquer pour appliquer des méthodes de contrôles et surtout transférer cette compétence, aider à identifier les leviers de business et là encore transmettre ce savoir faire, quelques pistes essentielles pour un manager pour aider son équipe au quotidien.
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