CHRONIQUES ORDINAIRES D'UN COMMERCIAL EN CAMPAGNE
Mardi 23 juin – 8 h 45
Comme tous les jours que je passe au bureau, la machine à café, salutaire port d’accueil de mon somnambulisme matinal.
« Tiens, Jean Pierre !».
Il y a longtemps que je l’ai vu, lui. Normal, nos zones de vente sont éloignées et les rencontres fortuites rares.
Salutations d’usage, « ca va, tu vas »…Jean Pierre est fatiguant le matin avec son énergie à revendre. Autant amorcer un repli stratégique vers mon bureau, vers la tranquillité d’une boîte mail qui me permettra de remettre les neurones en place pour la journée.
« Dis donc, j’ai appris que tu cherchais à rencontrer Mr PAUL, le Directeur de y »
Sans me laisser le moindre espace pour réagir. « Je travaille avec une personne qui le connais bien !, veux tu quelques informations ? »
Que voulez vous répondre à cela ? « Ah bon ! »
Et après quelques instants d’hésitations où la question de l’origine de cette indiscrétion m’effleura,
« Si tu as des informations intéressantes, je suis preneur, ce sera à charge de revanche ! »
« D’après mon client, son fournisseur actuel a fait une grosse « bourde » et il a pris beaucoup de recul. Le projet est arrêté, il se pose des questions ! Ça vaudrait le coup que tu lui pousses un coup de fil, tu crois pas ! »
Donneur de leçon en plus…Décidément, bon, l’information est intéressante et corrobore mes propres échos.
« Merci, je vais voir ! » Le couloir est là, vite, 5 mètres salutaires qui me permettront de boire mon café au calme.
« Au fait !, m’arrête t il dans le couloir salvateur, j’ai appris qu’il était fan de cheval et entretenait un haras avec quelques chevaux et ânes. D’ailleurs, il est passé dans un reportage d’ARTE sur la conservation d’une race d’ânes, je ne sais plus laquelle. Je crois que c’était en mai. »
Et c’est pour ça que tu m’empêches de boire mon café !
Après quelques mails et un petit de surf sur les infos matinales, je suis enfin au top et dispose de tous mes neurones.
"Au fait qu’est ce qu’il m’a dit, Jean Pierre ?" Réflexions, actions, coup de téléphone, coup de chance, coup d’éclat, rendez vous en fin de semaine.
Décidément, l’information était bonne. Il me reste 2 jours pour préparer.
Vendredi 26 juin – 11 h 00 – Manipulations, quand tu nous tiens !
« Suis-je prêt ? Il va arriver dans quelques minutes me chercher. Ai-je les idées en place ? Bon, je commence comme cela et puis je lui pose ces questions là …
« Bonjour, Monsieur DURAND ! » Je sursaute, je ne l’ai pas vu venir. « Bonjour Monsieur PAUL ! »
« Avez-vous trouvé facilement ?, suivez moi nous allons dans mon bureau au 5ième étage. »
Ascenseur, discussion à bâton rompu, quelques mots échangés, des banalités pour briser la glace.
Arrivée 5ième, immeuble cossu, lumière. «C’est la première fois que vous venez ! »
« Oui, mais j’ai le sentiment de vous avoir déjà rencontré ! Je ne me rappelle pas … »
Rappel des éventuels points de rencontre de nos deux carrières déjà bien remplies. « Si c’était là … ou là ! » Non décidément pas de souvenirs.
Son bureau, clair, rangé, une table de conférence, une chaise, la première question…
Dans le vif du sujet, nous échangeons, l’information est exacte, il souhaite remettre le projet en appel d’offres. J’ai une carte à jouer.
« Ca y est, j’y suis, je vous ai vu à la télé ! Il y a quelques temps ! »
« Ah bon, vous m’avez vu » me dit il, avec un air de méfiance dans les yeux.
« Oui, j’ai un souvenir vague, mais il y avait une chose qui m’avait frappée… Des animaux, des chevaux, je crois, un soir sur la 5, non c’est cela ! »
« Presque, ARTE ! » « Oui, vous avec des ânes plein de poils ! »
« Des ânes du POITOU ! Vous avez regardé ?» « Oui, totalement par hasard » Et lui de partir sur une digression de quelques minutes sur la renaissance de la race des ânes poitevins.
« Bon, êtes-vous prêt à nous aider dans le projet …. »
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