L’évolution actuelle de la technologie et des outils disponibles pour mettre en relation une entreprise et un client, met de plus en plus en exergue la crédibilité du rôle de l’acteur de la vente.
En n’y prenant pas garde, celui-ci petit à petit, creuse sa tombe et met sa profession en danger.
Une étude réalisée récemment met en évidence, l’inadéquation de l’attitude des commerciaux avec les attentes des acheteurs. (« Is the sales force delivering business value ? » – 2007-2008 Global Perceptions Report par DDI international.)Le constat développé par l’étude est édifiant. Quelques exemples choisis :
- La préoccupation majeure des commerciaux est la commission qu’ils vont dégager d’une vente qu’ils n’ont pas encore réalisée ». Cela se traduit par un rejet de la profession par les personnes interrogées qui précisent à 46% qu’ils ne seraient pas fiers de s’appeler « vendeur »
- « Les vendeurs ne prennent pas le temps de comprendre mes inquiétudes et offrent souvent des conseils inappropriés !»
- Certains acheteurs se disent prêt à se passer de commerciaux pour réaliser leurs achats, estimant qu’Internet couvre largement leurs besoins (devant l’incapacité des commerciaux de répondre à leurs attentes)
L’évidence crève le paysage.
Les nouvelles technologies apportent dans leurs sillages de nouvelles pratiques qui renouvellent le métier du commercial.
Leur apparition et surtout leur ancrage dans l’environnement aussi bien des commerciaux que celui des acheteurs professionnels réinventent la relation commerciale.
Les nouvelles technologies raccourcissent les distances, le temps et donc les décisions. Elles introduisent dans la relation acheteur – vendeur une immédiateté et une instantanéité nouvelle.
Mais au-delà de cette nouvelle donne, l’arrivée de l’internet révèle et met en exergue, la médiocrité et l’incompétence. Elle met en évidence ceux parmi la profession, qui la pratiquent par défaut sans une remise en question quotidienne et salutaire.
Par défaut, parce qu’il était impossible de faire autrement, nos clients se sont accommodés de la présence dans le paysage, de ces commerciaux et de ces forces commerciales. Il est bien connu que l’on ne retient que les mauvaises expériences.
Dans ce contexte ancien, pour avoir ne serait ce que la connaissance d’une solution à laquelle l’acheteur pouvait prétendre, il lui fallait passer par un intermédiaire incontournable, le vendeur.
Il lui était difficile d’échapper à l’incompétence, le manque de savoir vivre, la difficulté d’écoute, la vente à tous prix sinon à exercer sa liberté de choix et privilégier le moins mauvais des commerciaux.
Le commercial dans toute sa splendeur, régnait sur son royaume et se sentait totalement intouchable.
Il est d’ailleurs frappant de constater que ce comportement externe à l’entreprise, se retrouvait en interne et que le fossé se creusait entre le commercial et les autres fonctions de l’entreprise.
En 2009, le commercial perd le contrôle et devient un acteur parmi d’autre de la relation commerciale. Celle-ci est contrôlée aussi bien en termes d’espace temporel que d’espace géographique par un acheteur qui prend le pouvoir qu’il ambitionne depuis longtemps.
La donne change. L’acheteur exige sinon censure.
Il réclame une réelle compétence et une vraie valeur ajoutée.
Elles se traduisent par un discours malgré tout ancien, éculé, usé à force de répétition :
« Ecoutez moi, Comprenez moi, Aidez moi … »
Pour cela, l’obtiendra t il ?
Rien n’est moins sûr, tellement les comportements sont ancrés et difficiles à changer.
Depuis 30 ans, toutes les formations commerciales, les « bouquins sur la vente », les gourous et spécialistes de tout poil répètent, rabâchent qu’écouter son client est essentiel, qu’il n’y peut avoir de vente sans une compréhension mutuelle.
Pourtant en 2008, lorsqu’on interroge les acheteurs, que disent ils ?
« Pas d’écoute, pas de compréhension, pas d’aide … »
Le constat est amer pour ceux qui, comme moi, aiment ce métier et essaient de le pratiquer dans toute sa noblesse.
Irrémédiablement, devant le vide et l’absence, l’acheteur, au bout d’un processus, décidera de se passer du commercial, estimant que celui-ci ne lui apporte aucune valeur ajoutée.
N’est ce pas la situation qui actuellement, se développe ? Certains diront et ils ont raison, que c’est trop tôt pour tirer des conséquences aussi importantes.
Pourtant, l’enquête vient là à point nommé, pour tirer la sonnette d’alarme car derrière le commercial, se situe un système de vente auquel appartiennent des entreprises, qui faisant confiance à leur force commerciale, se trouvent confrontées à une situation qui si elle n’évolue pas, met en danger leurs résultats.
Nous pourrions facilement constater pour s’affranchir d’une conclusion sans appel, que le produit et sa complexité vont sauver le commercial, que l’acheteur ne se passera pas de relations humaines… Nous aurions raison mais en partie seulement.
Il restera naturellement une part de l’activité de vente pour laquelle le vendeur aura sa place et sa réalité. Mais quelle sera cette part ?
Reste que la profession commerciale doit prendre conscience rapidement que chaque individu doit apporter sa valeur ajoutée pour ne pas disparaitre.
Celle-ci se traduit de façon simple :
- Prendre du recul par rapport aux enjeux à la fois personnels et collectifs de la vente : « Le résultat de la vente, c'est-à-dire l’atteinte des objectifs, la rémunération, la reconnaissance qui y est associée, n’est que la conséquence d’un travail et non l’objectif
- Changer fondamentalement de comportements en associant une réelle empathie avec une envie d’écouter, de comprendre et de servir.
- Rester à sa place en tant que simple acteur de la réussite de l’entreprise au même titre qu’un autre collaborateur et donc que celle-ci donne des droits mais aussi des devoirs (de comportements responsables, de reporting, de respects des clients …)
Le rôle du management est essentiel. A lui de comprendre le phénomène et d’apporter le support nécessaire à cet état de fait :
- Prise de recul par rapport aux enjeux en aidant le commercial à faire la liaison entre le travail effectué et les résultats.
- Servir de miroir de comportement pour renvoyer un modèle étalon à l’équipe commerciale.
- Construire une place réelle et indiscutable de l’équipe commerciale dans l’organisation de l’entreprise.
Les années qui viennent seront déterminantes pour l’avenir de la profession. La complexification des offres et des produits ne la sauveront pas, le besoin inné de relations humaines ne se substituera pas au pragmatisme d’un acheteur conscient de sa responsabilité et de ses enjeux.
A la profession dans sa globalité de réagir si elle ne veut pas se paupériser et se marginaliser.
BERTRAND LAINE – Com-Ace
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