CHRONIQUES ORDINAIRES D'UN COMMERCIAL EN CAMPAGNE
Jeudi 5 juin – 18 h 45
Aujourd'hui, bonne journée. Pour quelles raisons ? Impossible de le savoir avec précision. Une journée comme beaucoup d'entre elles, un de ces moments privilégiés, indéfinissables, renforcée par le sentiment réel ou fictif d'avoir abattu une quantité importante de travail.
Je me suis souvent interrogé sur mes motivations personnelles, celles qui font que tous ces matins, dans le souvenir vague et brumeux des bons moments et des plus difficiles, me font avancer. Je ne suis pas un extra terrestre.
Les différents conversations avec mes collègues ne me donnent pas plus d'explications précises, force est de constater que nous avons tous des difficultés pour donner des raisons réalistes de notre engagement dans ce métier.
Bien sur, les lieux communs sont faciles à trouver. L'argent…La reconnaissance…Le goût du contact…toutes ces raisons sont, à mes yeux, des paravents pour ne pas expliquer les vrais raisons de notre engagement.
Personnellement, ma relation avec le jeu a une importance. Gagner ! Il est vrai que le client qui me concède son accord me met dans un état d'excitation important. Et une réponse négative, dans un état d'abattement je deviens invivable. Sans doute parce que je m'en veux.
Ce qui est le plus existant à mes yeux, ce n'est pas la victoire mais l'espoir de victoire. Je fais sans doute le lien inconscient entre l'espoir et le gain et en multipliant l'espoir, j'assure mon gain.
Ne suis-je pas plus un « chercheur d'or » qu'un vendeur ?
Je sais quelques uns de mes collègues me rejoignent sur ces points.
La reconnaissance… oui, c'est un facteur important, surtout quand le succès est rendez vous, encore que pour moi, une certaine décence s'impose dans les périodes difficiles.
Pourquoi serai je mis plus en valeur que la personne de l'ADV m'apportant son aide au bon moment ou le gars du magasin livrant en temps et en heure le bon colis à la bonne personne ? Nous participons tous de mon soi disant succès.
Par contre, la reconnaissance prenant des formes simples de savoir vivre me convient tout à fait. « Bien, Gérard, le rapport que tu m'as remis, je pense que je vais m'en servir pour te trouver un budget supplémentaire ! » a plus d'effets que l'espoir diffus d'un voyage lointain que je ne suis pas sûr de gagner !
L'argent…Je me souviens confusément d'une citation que j'avais lu un jour et qui me convient bien :
« L'argent qu'on possède est l'instrument de la liberté, celui qu'on pourchasse est celui de la servitude.(*)»
Actuellement, je couvre mes besoins raisonnablement. Plus d'argent…pourquoi ? De moins en avoir aurait tendance à me décourager plus qu'à m'inciter à en gagner plus ! Bien sûr, il n'y a pas de refus de plus d'argent mais ce n'est pas mon but !
Le goût du contact, assurément. Mais je pouvais choisir un métier de communication, politique, de journalisme, ou plus encore.
Oui, le contact mais souvent biaisé par les enjeux, sans la liberté et le confort du naturel, sur la défensive de la bonne question au bon moment et des arrières pensées manipulatrices… Ce ne sont que des contacts professionnels, éphémères, quelque fois générateurs de frustrations.
Et si tout simplement, j'aimais ce métier fait de victoires et d'échecs, de rencontres, de dépassement de soi, de liberté, de maîtrise de son destin, de coups de gueule, de partage… la vie quoi !
(*) Une petite recherche sur Internet, en effet, cela remonte loin, aux années lycée, Jean Jacques ROUSSEAU Les confessions.
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